Épisode 003

Alexandra

29 septembre 2017

Vignette de l'épisode

"Because boys don't cry.
Boys. Don't. Cry."

Il suffit parfois d'une rencontre au bon moment pour changer littéralement de vie.

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Transcription

Afin de faciliter l'accès à ce podcast aux personnes sourdes et malentendantes, chaque épisode de "J'aime Pas Ma Voix" est aussi disponible au format texte.

Néanmoins, les émotions et les intentions ne sont pas retranscrites, afin de laisser l'espace nécessaire à l'interprétation de chacun•e.

Il n'y a pas très longtemps, pendant l'anniversaire d'une amie proche, j'ai rencontré tout un tas de nouvelles personnes avec qui j'ai passé un très bon moment. Et bien sûr, après, on s'est pratiquement tous ajoutés sur Facebook, en se disant qu'il faudrait trop qu'on refasse des trucs ensemble plus tard...

Et ça va, jusqu'à présent, même quelques semaines après... je me souviens de tout le monde.

Dans le lot, il y a bien sûr des personnes avec qui j'ai beaucoup plus discuté que d'autres, dont une fille en particulier qui a été la déclencheuse involontaire de l'épisode que vous êtes en train d'entendre..

En fait, il y a eu un télescopage entre une discussion par intermittence qu'on tenait elle et moi sur Messenger, et le fait qu'en même temps, j'étais en train de chercher quelles histoires j'avais envie de raconter plus tard dans "J'aime Pas Ma Voix".

Et donc voilà, plus on parlait elle et moi de tout et de rien, plus je plongeais en parallèle dans mes souvenirs et mes traumatismes d'adolescences pour y trouver un des moments particuliers qui font encore de moi ce que je suis aujourd'hui.

Et pile au moment où je trouvais L'Histoire avec un joli petit H, voilà que ma nouvelle pote me livre un secret sur elle.

Et vraiment, je la remercie.
Parce qu'a ce moment-là, elle n'imagine pas l'importance que ça a pour moi.

Bon... Revenons juste 25 ans en arrière.

Je suis en cinquième, et mon collège organise un voyage scolaire en "classe nature".
On vient d’arriver au gîte, et les profs qui nous accompagnent nous donnent l'ordre d’aller dans nos chambres, de ranger nos affaires et de ne pas traîner dans les couloirs.
Bon, personnellement, on me dit un truc, j’écoute.
Je ne suis pas du genre à chercher les emmerdes.

Je suis donc dans une chambre de garçons.
On est quatre.
Y'en a un qui dit "Bon, on va dans la chambre des filles ?" et les deux autres disent "OK".

Ils font littéralement comme si jétais pas là, alors que bon, j'aimerais bien venir avec eux.
En fait, j’aimerais surtout être cool.
Mais bon, ils sont déjà partis.

Je reste donc seul dans cette chambre.

Ça doit faire quinze, vingt minutes qu’on est arrivés là, et j’ai déjà l’impression d’être invisible. C’était bien la peine de faire des kilomètres pour vivre la même chose que chez moi.

Alors j'attends qu'ils reviennent.
Cinq minutes.
Dix.
Personne.

Alors je décide de les rejoindre.

Je sors donc, sans aucune idée de la chambre à trouver.
J’écoute discrètement aux portes, et en même temps, j’ai peur qu’un prof débarque et m’engueule.

Je me souviens surtout du couloir tout en longueur.
Au milieu du parcours, il y avait trois petites marches.
Et au moment où je les monte pour la première fois, je ne sais pas pourquoi, je me dis qu’elles vont être importantes pour moi plus tard.

Donc à un moment, j’entends des rires.
Ceux de mes potes, puis ceux des filles.
J’ai trouvé la chambre en question.
Je frappe.
Y'a une des filles qui ouvre, et vraiment, dans son regard, je lis "Putain ! Pas lui ! Qu’est-ce qu’il fout là ?"

Derrière, je vois mes "potes" sur le canapé.
Personne ne dit rien.

Au bout d'un moment, elle me dit « Tu veux quoi ? »
Moi, je réponds « Je peux entrer ? »
Elle dit « Non », elle ferme la porte et j’entends des rires.

Et là, sincèrement, je refais quinze fois la scène dans ma tête devant la porte fermée.
Je comprends pas du tout ce qui a pu se passer.

Bref.
Je fais demi-tour, et je m’assois sur la seconde des trois petites marches du milieu du couloir.
Et là, je craque.

Sérieusement, je ne comprends pas.
J’ai toujours été le mec gentil, j'ai toujours fait ce qu'on me demandait de faire, j'fais de mal à personne et j'ai juste l’impression d’être le mec chiant en fait.
Sincèrement, j'ai l'impression que mon monde vient de s’écrouler en deux minutes.

À un moment, y'a deux personnes qui passent dans le couloir. Elles voient très bien que je pleure, mais elles s'en foutent complètement, ce qui n'arrange rien.

Puis après, c'est de nouveau le silence, avant d'entendre d'autres pas dans mon dos.

Et là, il y a une fille de ma classe que je connais juste un peu et qui me demande ce qui se passe.
J’ai pas trop envie de lui dire, parce que bon, j'ai pas envie qu'elle se foute de ma gueule.

Mais je sais pas, d'un coup, je tiens pas, je chiale comme pas possible et je lui explique ce qui vient de se passer.
Y'avait clairement un trop-plein que j'ai pas su maîtriser.
Et là, elle me tend la main et elle me dit "Viens, on va aller dans ma chambre".

Alors si vous avez déjà vu "Eternal Sunshine", à un moment, y'a une scène où on voit Jim Carrey quand il était petit, quand ses amis le pousse à donner des coups de marteau sur un oiseau blessé, et que juste après, y'a Clementine qui débarque et qui le sauve.

Ben c'est quasiment la même chose là.
J'ai l'impression que cette fille, elle m'a sauvé.

Elle s'appelait Alexandra, et elle a été ma première meilleure amie fille.

Pendant tout le séjour, on a passé pratiquement toutes nos journées ensemble, on a parlé de plein de trucs, et elle m'a confié des choses très intimes, parce qu'elle disait qu'elle avait confiance en moi.

Et ça, juste ça, ça m'a boosté comme pas possible (et ça me booste encore aujourd'hui).
J'avais plus forcément envie d'être la personne la plus cool de ma classe (bon, si, un peu quand même...) mais j'avais aussi envie qu'on me fasse confiance et qu'on me dise des secrets.

Alors si bien qu'aujourd'hui, quand une fille me dit des choses qu'elle ne dit pas à tout le monde, ben je repense souvent à Alexandra et à cette porte fermée.
Je me dis que oui, ça me fait encore un peu mal quand j'y repense, mais que finalement, je suis assez content de ce que ça a pu me faire vivre par la suite.

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