Épisode 004

J'aime danser

06 octobre 2017

Vignette de l'épisode

"Quelque part, entre Billy Idol et Whitney Houston..."

L'épisode qui explique pourquoi parfois, on peut me retrouver seul au milieu de la piste de danse, un peu ivre, à profiter de la moindre note de musique qui pourrait me faire bouger la tête et le reste du corps.

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Transcription

Afin de faciliter l'accès à ce podcast aux personnes sourdes et malentendantes, chaque épisode de "J'aime Pas Ma Voix" est aussi disponible au format texte.

Néanmoins, les émotions et les intentions ne sont pas retranscrites, afin de laisser l'espace nécessaire à l'interprétation de chacun•e.

J'aime danser.

J'aime quand la musique s'échappe d'une enceinte, à la limite de la saturation, et que mon corps essaye de deviner le prochain impact dans le rythme.
Et je ferme parfois les yeux, comme pour oublier les autres, les chaises, les lumières autour de moi.

J'aime danser pour moi.

Bon.
J'avoue.
Je commence à me sentir vieillir à chaque soirée entre potes.
Parce que j'ai remarqué que depuis un moment, je bouge avec cette foutue seconde de décalage, entre le moment où j'imagine un mouvement et l'instant où je le réalise.
Du coup, je cours après le tempo.
Mais au fond, je me dis que ce n'est pas si grave.
L'important, c'est que j'aime danser pour moi.

Par contre, danser "à deux" me manque terriblement.
J'aimerais bien me balancer de droite à gauche, de gauche à droite, tourner en rond, mes mains sur ses hanches et ses bras croisés autour de ma nuque, en évitant son regard pour qu'elle ne sache pas que je suis peut-être en train de tomber amoureux.

Il y a cette partie de moi qui sait que je n'en ai pas assez profité de ces moments-là.

Il y a bien sûr eu cette première boom où, du haut de ma dizaine d'années et après avoir pris mon courage à deux mains au bout d'un temps proche de l'éternité, j'ai demandé à celle qu'on considérait aujourd'hui comme étant "mon crush", si elle voulait bien danser avec moi.
Pour ne recevoir évidemment comme seule réponse, qu'un rire moqueur et une série de chuchotements scellant douloureusement le reste de ma soirée.

Mais, deux décennies plus tard, il y a eu aussi cette soirée improvisée avec finalement tout un tas d'inconnus, durant laquelle je dansais avec celle avec qui je vivrais, malheureusement quelques semaines après, une rupture douloureuse.
De celles qui se passent en plusieurs temps...

Entre ces deux moments donc, entre cette triste soirée Teisseire et mon énième verre de vin blanc de qualité, presque 20 ans.
Mais, à mon goût, dans ce petit laps de temps, trop peu de pauses musicales faussement chorégraphiées à deux.

En fait, il y a surtout eu cette fille, en classe de ski pendant mes années collèges, qui est venue me voir pour me demander si je voulais la suivre sur la piste.
Cette fille à qui j'ai répondu non, parce que je me réservais pour une autre qui ne viendrait évidemment jamais.
Un "non" poli, neutre, monocorde, sans aucune volonté de blesser.
Un "non" sonnant comme un réflexe, automatique, et finalement assez violent pour la faire partir en pleurant.

Et je ne l'ai pas remarqué.
Moi.

Il a fallu quelques minutes et l'arrivée brutale de son amie venue me balancer un lapidaire "t'es vraiment trop con" pour que je commence à toucher du doigt le fait que j'avais fait du mal à quelqu'un.

Oui.
Moi.

À ce moment précis, la musique était trop forte, je ne comprenais pas tout ce qui se passait.
Mais je me sentais coupable.
Il m'a fallu quelques secondes pour tilter que, oui, cette fille assez courageuse pour oser s'aventurer dans le périmètre du garçon à appareil dentaire que j'étais venait de sentir ignorer.
Et/ou rejeter.

Et très maladroitement, j'aurais pu lui dire : "Bienvenue dans mon monde".

Au lieu de ça, je suis parti la rejoindre, dans le couloir.
Loin de la fête, mais pas trop.
Je me souviens que j'entendais encore les basses qui resonnaient sur les murs.

Et voilà donc que je m'approche d'elle, assise par terre, la tête baissée.
Je plie les genoux.
J'ai mal à cause d'une petite chute au ski, mais je me dis que ce n'est pas une raison pour changer d'avis.
Je lui ai dit à l'oreille le pourquoi de mon comportement.
Qu'il y en avait une autre.
Je ne savais pas si c’était vraiment la meilleure chose à faire, mais j’avais besoin qu’elle sache, comme si ça pouvait arranger quoi que ce soit, que je n’avais rien contre elle.
Elle n'a rien dit.

Et puis, pour me faire pardonner, je lui ai demandé de danser avec moi.
Elle a refusé.
J’ai insisté, en refaisant exactement la même proposition.
Elle a accepté.

Je lui ai pris la main.
On a entendu la musique redevenir plus forte.
On s'est mis au milieu de tous les autres, comme pour ne pas attirer plus l'attention.

C’était un slow.

Je l'ai sentie se décomposer dans mes bras.
Elle a caché ses nouvelles larmes en baissant une fois de plus la tête.
Et je me demande aujourd'hui si elle se souvient de ce moment.

Parce que moi, de mon côté, quand je danse seul, que je ferme les yeux en souriant et que je gueule des paroles approximatives en anglais, je me souviens encore d'elle.
De nous.
De cet instant raté.

Égoïstement, j'aurais aimé qu'on me prévienne, qu'on me force à profiter au maximum de tous ces mouvements intimes et verticaux, de ceux qui traverseraient mes quelques soirées heureuses, parce que tout ça serait inévitablement voué à se raréfier.

Et voilà pourquoi je répète souvent à qui veut l'entendre que j'ai déjà une idée de la chanson que j'adorerais entendre à mon mariage pour ouvrir le bal.
Et aussi pourquoi dans ma tête, j'ai des images fabulées de mes grands-parents dansant ensemble dans la véranda de la maison familiale.

Parce que ça me laisse croire qu'avec un peu de chance et beaucoup de culot, il sera possible de trouver la personne avec qui je danserais entre demain et le point final.

J'aime danser.
J'aimerais juste danser avec toi.

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