Épisode 013

Jaloux•se

28 septembre 2018

Vignette de l'épisode

"Et même si c'est moi qui casse, j'm'en fous j'veux pas qu'on me remplace."

Un jour, j'ai décidé que je ne serai jamais jaloux.
C'est à moitié réussi.

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Transcription

Afin de faciliter l'accès à ce podcast aux personnes sourdes et malentendantes, chaque épisode de "J'aime Pas Ma Voix" est aussi disponible au format texte.

Néanmoins, les émotions et les intentions ne sont pas retranscrites, afin de laisser l'espace nécessaire à l'interprétation de chacun•e.

Je ne compte plus les fois où seul dans ma chambre, je me suis mis à gueuler la chanson "Jalouse" de Mademoiselle K.

Parce que cette chanson me plaît.
Parce que cette chanson me parle.

D'ailleurs, si vous ne connaissez pas cette chanson, rien ne vous empêche de faire pause maintenant, de l'écouter par vos propres moyens, et de revenir ensuite pour mieux comprendre de quoi je parle.

Ce sentiment lancinant.
Cette franchise frontale, mélangée à cette hypocrisie sincère.
Cette voix suppliante et ces guitares qui vont et viennent...

Tout m'invite à me laisser porter et à me synchroniser avec cette déclaration musicale.
Parce que plus qu'une chanson sur la jalousie, c'est une chanson sur la jalousie post-rupture.
Une nuance importante qui me fait dire "Oh que oui, je sais, j'ai vécu ça".

"Et même si c'est moi qui casse, j'm'en fous j'veux pas qu'on me remplace", qu'elle dit.
Et elle a raison.

Pourtant, en fait, en amour, je ne suis pas quelqu'un de vraiment jaloux.

Dans le rituel des débuts de rencontre, c'est même quelque chose que je mets en avant, comme une compétence sur mon CV amoureux que mes ex pourraient confirmer, si besoin est.

Toujours est-il que certains confondent la non-jalousie dans une relation amoureuse avec du désintérêt pour l'autre. Alors que pour moi, c'est surtout une façon de dire : "Tu ne m'appartiens pas. Je ne t'appartiens pas. Tout est une question de confiance."

Plus précisément, c'est une règle que je me suis fixée pendant l'adolescence, avant même ma première relation sérieuse.
"En prévision de."

J'étais donc parti d'un raisonnement logique dans ma tête :

Je suis en couple.
Ma copine me plaît.
Elle peut ou elle va forcément plaire à quelqu'un d'autre.
Je ne peux rien y faire ET ce n'est pas grave.
Et cette autre personne va peut-être lui faire une déclaration.
Il n'y a donc que ma copine qui peut lui dire qu'elle est flattée, que ça ne la laisse pas forcément indifférente, mais qu'elle a déjà quelqu'un.
En l'occurrence : Moi.
Point.

Alors petite précision, j'avais environ 13 ou 14 ans à l'époque de ce raisonnement, et je pensais que les seules vraies relations étaient monogames. Désolé.

Mais j'étais même allé plus loin dans ma théorie : si jamais elle devait céder à la tentation d'une autre aventure, en quoi être jaloux pouvait ou devait changer quelque chose ?

Non, vraiment, dans mon cas, et comme dans la chanson de Mademoiselle K. donc, ma jalousie amoureuse arrive après la rupture... si et seulement si l'autre est de nouveau en couple et moi, seul.

Parce que ça me renvoie forcément en pleine figure que je ne supporte pas l'idée de ne pas ou plus être avec quelqu'un avec qui je partage des choses, alors qu'elle, l'ex donc, si.

Alors qu'en plus, à vrai dire, cette envie d'être à deux ne touche évidemment pas que mes relations amoureuses.

Autant être honnête : mon objectif ultime dans la vie, ce n'est pas forcément de vivre à travers une unique personne, et inversement, jusqu'à la fin des jours.

Non, moi, ce que je rêve d'avoir quelque part dans ma vie, c'est une ou plusieurs personnes dans mon entourage avec qui je puisse m'entendre parfaitement.

D'avoir enfin la certitude que ça y est, je n'aurais pas à revivre pour la énième fois ce même processus qui consiste à dire qui je suis, comment je pense, ce qui me plaît, quelles sont mes convictions et autres blessures profondes, et de ne pas constamment perdre trois heures pendant une conversation profonde à dire "non, c'est pas ça", avec un pincement au cœur à chaque fois...

D'avoir finalement cette sensation que même si je suis incapable de trouver les mots pour exprimer quelque chose, l'autre me comprend.

Et du coup, comme dans mon schéma dysfonctionnel, je me persuade que c'est un peu ce qu'on attend aussi d'une relation amoureuse, plus que d'une relation amicale, j'ai beaucoup de mal à vivre l'idée qu'une fille qui a partagé ma vie finisse par supprimer mentalement toutes les données me concernant pour laisser de la place à quelqu'un d'autre...

Ce qui explique pourquoi je vis véritablement cette chanson à chaque fois que je l'entends. Parce que je ne veux pas qu'on me remplace.

Et je finirais par un petit aparté...

Au fond de moi, je suis surtout jaloux, voire envieux de gens comment Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, Judd Apatow et Leslie Mann, ou les deux créateurs de la série High Maintenance, Ben Sinclair et Katja Blichfeld.

Non pas parce qu'ils sont ou ont été en couple pendant un moment, mais parce qu'ils ont créé tout simplement des choses ensemble.

Dans un coin de ma tête, je les imagine dans un bureau en bordel, des fiches bristol partout, l'un en face de l'autre et ordinateurs ouverts, à s'engueuler sur des détails créatifs parce que ça fait déjà trois jours qu'ils vivent, mangent, dorment pour ce point précis à régler et qu'ils ne sont déjà pas en avance.

J'en veux parfois au monde entier, moi y compris, de ne pas m'accorder le droit de vivre ce genre de frénésie.

Et peut-être qu'inconsciemment, avec ce podcast, c'est ce que j'ai trouvé de plus proche de l'envie de créer quelque chose de bien avec quelqu'un d'autre...

Va savoir.

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