Épisode 015

Le choix des mots...

12 octobre 2018

Vignette de l'épisode

"Auriez-vous l'obligeance de me confier quelques instants vos cordes vocales ?"

Je ne sais absolument pas d'où me vient mon amour des mots de la langue française.
Mais je sais que sans eux, je ne serais pas grand chose.

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Transcription

Afin de faciliter l'accès à ce podcast aux personnes sourdes et malentendantes, chaque épisode de "J'aime Pas Ma Voix" est aussi disponible au format texte.

Néanmoins, les émotions et les intentions ne sont pas retranscrites, afin de laisser l'espace nécessaire à l'interprétation de chacun•e.

Le choix des mots est important.

Tous les épisodes de "J'aime pas ma voix" commence par une même question lancée comme ça, l'air de rien, quelques jours avant la diffusion :

"Eh ! Tu me prêtes ta voix ?"

J'aime bien cette question.
Aujourd'hui d'ailleurs, elle me paraît presque évidente.
Et pourtant... Ce n'est pas comme si avant cela, je n'avais pas passé de très longues heures à chercher comment je pouvais résumer en une simple phrase cette idée de demander à des gens de parler à ma place.

Des heures de brainstorming linguistique, pour finir avec un simple :

"Tu me prêtes ta voix ?"

Et pourtant... tout y est.

Le tutoiement, qui me vient naturellement, et qui rappelle de façon subliminale à mon interlocutrice du moment qu'on a finalement déjà partagé des choses ensemble, aussi minimes soient-elles.

Puis la notion de prêt, par le verbe, pour dire en un seul mot que "non, ça ne sera pas payé", et qu'il s'agit avant tout de me confier quelque chose qui sera bien évidement récupéré par la suite.

Et enfin, l'idée de demander à l'autre sa "voix".
Cet ensemble de sons abstraits qu'on ne peut définitivement pas prêter, voyons, tu le sais bien... Faut te réveiller, Seb.

C'est donc pour susciter cet étonnement que j'ai choisi précisément cette question.
Pour attiser la curiosité.
Pour qu'on me demande le sens de cette demande farfelue.
Et ainsi, à partir de ce tout petit instant imprévisible, pouvoir prendre le temps de mieux se parler, de mieux se comprendre, elle et moi.

Je répète : Le choix des mots est important.

C'est un peu comme pour les textes de tous ces épisodes.
Ils sont les fruits de beaucoup d'allers-retours d'un curseur sur une page qui se remplie difficilement, de changement de tons ici et là, de virgules déplacées et de mots soigneusement choisis pour dire, de la façon la plus précise et imagée, ce que je pense.

Tout ça, comme je l'ai déjà dit depuis le premier épisode, c'est parce que je m'interdis de donner des indications de jeu à mes voix éphémères.
Une partie de moi se dit que si j'écris telle phrase de telle façon, elle sera forcément lue et compris dans cet unique sens.

Ce qui n'est quasiment jamais le cas.
Ce qui n'est pas grave en soi.

Mais ça me fait dire deux choses : Premièrement, qu'il est quasiment impossible de demander à quelqu'un de percevoir les choses exactement comme nous. Qu'importe le fait qu'on ait un langage commun pour se comprendre.
Et secondement, que peut-être je dis n'importe quoi, que je choisis mal mes mots et mes tournures et que je suis en partie responsable du fait qu'on ne me comprenne qu'à moitié la plupart du temps.

Alors je confirme : Le choix des mots est important.

Par exemple, en début d'année, j'ai eu une relation de plusieurs mois avec une néerlandaise vivant à Paris, et pour qui donc le français n'était pas la langue maternelle.

Un détail pour certains, certes, mais qui a donné lieu à mes plus grandes réflexions sur le sens de la moindre de mes phrases, pour éviter au mieux un quiproquo, au pire une dispute, juste pour une incompréhension stupide et malvenue.

Bref. Une fois encore, le choix des mots est important.

Quelque part au début de notre histoire, il y a eu ce soir où pour définir la nature d'une relation que j'avais encore aujourd'hui avec une autre fille de mon entourage, je me suis posé la question de savoir si je devais dire que c'était "MON ex" ou "UNE ex".

Un simple choix entre un adjectif et un pronom de trois lettres chacun, mais qui a déclenché l'espace de deux secondes dans le monde réel, un nombre incalculable de réflexions personnelles...

Parce que...

"MON" ex...

"MON ex" ça donne une impression de possession.
C'est forcément la mienne. À moi. À personne d'autre.
On n'est plus ensemble mais elle m'appartient encore un peu, parce que c'est "MON" ex. Du coup, bien évidemment, cette histoire n'est pas vraiment finie, parce que je surveille encore qu'elle n'est pas devenue l'ex de quelqu'un d'autre.
Et puis ça lui donne une importance, à elle. Elle est l'ex qui sort du lot, la première, l'unique.
En disant "Mon" ex, je lui donne une place à part, au top du podium de ma vie amoureuse.

Alors qu'"UNE ex"...

"UNE ex", c'est forcément une parmi tant d'autres.
Un vague souvenir. Une histoire finie, clôturée, archivée. Une personne qui n'a plus d'importance pour moi parce qu'elle n'est pas devenue une amie depuis, mais bel et bien "juste UNE ex".
D'ailleurs, si j'en parle là, c'est parce que tu m'as posé la question. Je l'ai même supprimée de Facebook il y a un bon moment alors que justement, je ne supprime jamais personne. C'est dire.

Mouais.
C'est dire comme j'étais conditionné, surtout.
En deux petits mots, j'en étais presque venu à essayer d'appliquer à une partie de ma vie amoureuse, des approximations que j'avais entendu tellement de fois que j'en avais fait inconsciemment des vérités.

Résumer ma relation avec quelqu'un en deux mots, c'est dire aux autres que tout est en ordre dans sa vie. Qu'on sait où on va, ce qu'on veut, sur quel pied on danse.

Alors que non. Moi, je m'en fous. Les gens qui ne savent pas tout me rassurent.
Je ne suis pas toujours capable de savoir si telle ou telle fille est "Mon" ou "Une" ex. Ou si c'est vraiment une ex d'ailleurs. Je ne sais pas si on a la même définition l'un de l'autre, si c'est officiel, si c'est utile ou non.

Et dans mes relations amicales, c'est le même bordel.
Quand je parle simplement avec quelqu'un, je ne me demande pas avant tout si c'est un pote, une amie, une connaissance, un pote d'internet, une pote de pote, une personne de mon entourage, etc.
Je lui parle comme ça me vient, et ça me convient parfaitement.
Il n'y a que lorsque je dois définir cette relation que je panique.

Alors oui, le choix des mots est important, très bien... mais je ne les ai pas forcément tous, ces mots.
Et finalement, je ne veux pas forcément tous les avoir.

Je veux juste qu'on me comprenne, qu'on ne me colle pas un propos que je n'ai pas dit, qu'on sache lire entre mes lignes... mais uniquement quand c'est nécessaire.

Je veux tout et son contraire, et il n'y a que moi pour croire que c'est quelque chose de simple à comprendre.

Il y a une partie de moi qui se rassure en pensant que tout le monde est comme moi, que c'est quelque chose de logique et naturel, de se poser toutes ces questions... mais j'entends constamment dire que non, "je me prends la tête pour rien".

Et croyez-moi, ce n'est pas que j'aime ça.
Quoique... si.
Mais bon.
Non.

C'est surtout que c'est ma façon de faire depuis des années et que je ne veux pas en changer. Parce que je sais comment je fonctionne, que ça me rassure et surtout parce que ça ne fait du mal à personne de chercher les mots justes pour m'exprimer au mieux.
Au contraire.

Donc.
Le choix des mots est important.
Pour moi en tout cas.

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