Épisode 007

Un soir d'été

27 octobre 2017

Vignette de l'épisode

"Silence is not consent."

Il n'est jamais trop tard pour se rendre compte de ses erreurs, ni pour déconstruire des arguments faciles qui posent véritablement problèmes.

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Transcription

Afin de faciliter l'accès à ce podcast aux personnes sourdes et malentendantes, chaque épisode de "J'aime Pas Ma Voix" est aussi disponible au format texte.

Néanmoins, les émotions et les intentions ne sont pas retranscrites, afin de laisser l'espace nécessaire à l'interprétation de chacun•e.

Il y a maintenant plus d'une quinzaine d'années, un soir d'été où je faisais la fête avec des amis, j'ai embrassé de force celle qui était mon ex... alors qu'elle était ivre... et moi, juste un petit peu moins.

Oui.

J'ai embrassé.
De force.
Mon ex.

Et j'ai bien conscience que c'est quelque chose de grave.

Alors soyons clairs et avant toute chose, sachez que je me suis posé beaucoup de questions avant d'écrire cet épisode.
Non pas par peur d'écorner mon image, ou par soucis de trouver les bons mots pour me dédouaner...
Mais plutôt parce que j'avais envie que cet épisode soit avant tout utile, clair, sans autre filtre que celui de mon changement de voix désormais habituel.

Et du coup, je me suis aussi posé la question de savoir si avant toute chose, je devais donner les circonstances de cet incident (si on peut appeler cela comme ça).

Au départ, je me suis dit que non.
Qu'il ne fallait surtout pas que j'explique "l'avant".
Que ça ne servait à rien et qu'il était important de se concentrer sur la notion de consentement que je n'avais absolument pas respecté.

Puis j'ai changé d'avis, parce qu'à l'évidence, j'avais aussi envie de démontrer par ma propre bêtise, à quel point il était facile de se trouver des excuses, de justifier l'injustifiable.

Alors voilà.

Avant ce soir d'été, il y avait eu, entre elle et moi, une folle histoire d'amour de trois ans.
Une première année à être ensemble, rompre, se retrouver, se séparer, se dire que oui, non, "je t'aime, mais...", "... il vaut mieux qu'on arrête de se voir", etc.

Puis la seconde, quasi idyllique.
À être vraiment "ensemble".
Jusqu'au jour où...

Jusqu'au jour où il nous est arrivé quelque chose qui nous a séparés avant même qu'on s'en rende compte nous même.
Et donc, une dernière année à courir derrière ce qui faisait de nous un couple heureux. À s'engueuler sur rien. À ne pas comprendre l'autre parce qu'on ne se comprenait même pas nous-mêmes.
Pour arriver à ce moment où elle m'a dit "il faut qu'on parle".

Et j'ai très mal vécu cette rupture.
Je savais qu'elle avait raison, mais non...
Pas nous.
Pas avec tout ce qu'on avait vécu avant ça.

On avait déjà rompu plusieurs fois.
Ce n'était qu'une question de jours.
On allait se remettre ensemble.
Parce que ce n'était pas fini.
Pas nous.

Puis une semaine.
Puis deux.
Puis un mois.
Et de nouveau deux.

On se retrouve chez un ami.
On fait semblant d'aller bien, elle, moi, de maitriser la situation.
Manifestement, ça ne marche pas.
On le sait tous les deux, mais on ne dit rien.
Tout le monde boit.

Je vais vers elle.
La musique est assez forte pour que je puisse lui dire des choses qu'elle sera la seule à entendre.
Je lui dis que je l'aime encore.
Forcément.
Elle me dit "Arrête. On en parlera plus tard."
Je sens mon coeur qui se brise à nouveau.
Elle me dit que c'est dur pour elle aussi.
Je lui réponds un truc du genre que ça n'a pas à être dur, qu'on a juste à se remettre ensemble.
J'ai l'impression de négocier, et ça me tue.

Je sens un doute en elle.
Et je l'embrasse.
Elle ne réagit quasiment pas.

Un pote intervient.
Me dit d'arrêter.
Qu'elle est manifestement ivre.

Je sais qu'il est un peu amoureux d'elle.
Je lui réponds "Tu peux pas comprendre."
Parce que non, il ne peut pas comprendre.
"Ça nous regarde, elle et moi."

Voilà.
Factuellement, les choses se sont passées comme ça .

Et pendant un long moment, je me suis dit qu'il n'y avait à cela aucun problème.
Que ce n'avait été qu'un baiser de désespoir.
Pour lui rappeler par le pouvoir mystique de ma bouche qu'à un moment, on avait été ensemble.
Et j'autojustifiais aussi d'avoir envoyer chier ce pote par le fait qu'il était intervenu à cause de ses sentiments à lui, et surtout pas pour la défendre elle.
Et que de toute façon, me connaissant, je ne serais jamais allé plus loin qu'embrasser MON ex.

Voilà.
Factuellement.

Et je ne sais plus à quel moment j'ai compris mon erreur.
Je sais juste qu'il m'a fallu des années pour m'en rendre compte.
Ou plutôt, il m'a fallu des années de "Non, mais ça va, je ne l'ai pas violé non plus", prononcé par d'autres, pour me dire que merde, je tenais le même discours, la même argumentation, pour me sentir bien.

Parce que comme beaucoup trop de monde, j'avais associé le mot "viol" à "un inconnu très louche, qui tabasse une fille, dans une ruelle sombre".

Sauf que moi, je n'étais pas un inconnu.
Je ne me sentais pas louche.
Je n'avais jamais frappé de fille.
Et je ne fréquentais pas de ruelle sombre.
Donc je n'avais absolument rien à me reprocher.

Sauf que si.
Un soir, j'avais embrassé mon ex alors qu'elle ne voulait pas.
Point.

On s'en fout de ma tristesse juste avant ce moment-là.
On s'en fout de savoir si j'avais des raisons.
On s'en fout de savoir si mon pote était amoureux d'elle ou non.
On s'en fout de savoir que cette ex ne m'a jamais reproché mon comportement par la suite.

J'ai merdé.
Et je compris bien longtemps après que c'était facile, de merder, puisqu'on a encore aujourd'hui à disposition tout un tas d'excuses, prêtes à l'emploi, pour ne pas se soucier de ça.

Alors pour celles et ceux qui me connaissent, voilà pourquoi depuis ma crise de conscience, je me permets parfois de gueuler aux autres que le consentement, ce n’est pas "à la carte".
Qu'il n'y a pas d'excuse du genre "ouais, mais parfois, dans le doute"...

Sachez que je n'ai pas la prétention de tout savoir sur le sujet.
D'être parfait.
De ne pas encore faire parfois des erreurs énormes.
Et je n'essaye absolument pas de me racheter une conduite.

Juste qu'un jour, j'ai fait une connerie, et j'en ai marre qu'on me dise que ce n'est pas si grave.

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